John Maynard Keynes (1872-1946) Site Web >> http://www.artepro.com/programmes/42583/chronologie.htm
Ce représentant de la bonne société anglaise, sorti d'Eton et de Cambridge, fait ses débuts à l'Indian Office (1906) puis ennuyé de la bureaucratie ministérielle, il démissionne pour accepter le poste de professeur d'économie à Cambridge. En 1911, à 29 ans, il est nommé directeur du journal " The economic journal ", une première consécration.
A la base de cette confiance en soi, probablement les liens extrêmement profonds conservés jusqu'à leur mort avec ses deux parents, en particulier avec sa mère, " sa meilleure amie ". Son père John Neville Keynes fut lecteur d'économie politique à l'Université de Cambridge avant d'y devenir l'administrateur en chef. Sa mère Florence Ada Keynes, pionnière du travail social de sa ville, devint la première femme " concilior " puis " mayor " de Cambridge, brisant en cela les cadres du rôle traditionnel de la femme à son époque.
Pendant la Grande Guerre, bien que pacifiste, il s'engage et se trouve nommé chargé du financement extérieur des opérations militaires au Treasury Office. Représentant son ministère à la préparation de la Conférence du Traité de Versailles en 1919, il démissionne de sa position officielle et critique, dans " The economic consequences of war ", les termes du Traité de Paix qu'il juge trop durs contre l'Allemagne : " on veut en faire des infirmes, au lieu de les punir " explique-t-il, en prédisant un nouveau conflit mondial. Devenu auteur d'un best-seller international, Keynes se voit ainsi accorder une stature mondiale ainsi que la possibilité de s'adresser au grand public. Il ne va pas s'en priver.
C'est dans son appartenance au " scandaleux " groupe de Bloomsbury, qui regroupe des personnalités anticonventionnelles de tout premier plan, qu'il puise son énergie et les connaissances culturelles de tous horizons dont il a besoin pour faire face au conservatisme post-victorien.
Suivant le philosophe G.E. Moore, la règle du groupe repose sur quelques principes : rupture avec les codes de comportements sociaux et sexuels de l'époque, raisonnement clair, témoignages individuels d'affection recommandés, expression libre des sentiments et culture des différences. Même les génies ont besoin de reconnaissance des autres. Tous vont innover à leur façon : Bertrand Russel en mathématiques, Lytton Strachey en biographie, Virginia Woolf et Henry James en littérature.
Appliquant les principes du groupe dans sa vie privée, il ne cache pas son homosexualité à une époque où il est totalement hors de question de l'afficher dans une Angleterre qui avait condamné et emprisonné Oscar Wilde en 1897. Lorsqu'il se marie en 1925 avec Lydia Lopokova, danseuse du ballet de Diaguilev, il acquiert un peu de stabilité sentimentale, ce qui lui permet de s'attacher à son oeuvre qui regroupera près de trente volumes.
Aussi libre dans sa pensée économique que dans ses moeurs, John Maynard Keynes est une personnalité très paradoxale, excentrique, qui possède au plus haut degré un talent pour le débat et qui ne recule pas devant le scandale pour se faire entendre.
1914-1925 : il axe ses premiers travaux sur le déséquilibre des échanges entre l'Europe et les USA et affronte la crise financière anglaise due à la guerre et renforcée par le Traité de Versailles. Il dénonce le maintien des visions traditionnelles et de comportements économiques dépassés, responsables à ses yeux des convulsions du système capitaliste.
A partir des années vingt, ses écrits peuvent faire trembler les monnaies et ses conseils sont de plus en plus recherchés par les financiers et les officiels. Il a ainsi accès direct au Premier ministre comme aux ministres des finances. Au même moment, il spécule en bourse, s'enrichit, et dénonce dans ses écrits la mentalité des rentiers.
Années trente : face à la grande crise qui balaye le monde occidental avec des chômeurs par millions sans aucune protection sociale, il critique l'orthodoxie des théories économiques du " laisser faire ". Partisan de relancer l'économie, même au prix d'une certaine inflation, il affirme qu'il vaut mieux, pour un gouvernement " payer un homme à creuser un trou et à le reboucher " que de ne rien faire en période de dépression économique.
Accusé d'être un bolchevik par les uns, de sauveur du capitalisme en déconfiture par les autres, il met au point l'expression de sa pensée économique dans " Essais sur la monnaie et l'économie, les cris de Cassandre " en 1930 et sa " Théorie générale de l'emploie, du profit et de la monnaie " en 1936.
Désormais il devient l'économiste le plus célèbre de son époque. Il rencontre Franklin D. Roosevelt qui met au point le New Deal. Il sera l'un des négociateurs officiels du gouvernement anglais du traité de Bretton Woods en 1942 où est créé un nouveau système monétaire international qui succède à l'étalon or. Anobli du titre de baronnet en 1942 et nommé Gouverneur de la Banque d'Angleterre, il mourra prématurément après avoir obtenu, au prix d'une âpre négociation, un prêt des Etats-Unis à l'Angleterre en août 1946.
L'oeuvre de John Maynard Keynes, qui justifie en particulier l'intervention de l'Etat pour lutter contre le chômage, a eu paradoxalement peu d'influence sur la politique de Roosevelt. Puis, après la guerre, elle inspire la politique fiscale de John Fitzgerald Kennedy qui représente un cas d'école tant son succès est incontestable. J.F.Kennedy a pu faire baisser d'un point le nombre de chômeurs en appliquant un de ses principes : redistribuer de l'argent pour relancer la machine économique.
En France après avoir influencé la politique économique des " Trente Glorieuses " avec, il est vrai, une inflation soutenue, le keynésianisme influence encore, à l'époque de la crise du pétrole, les choix de Valéry Giscard d'Estaing qui a lancé une politique de gros investissements d'infrastructure : le TGV. Enfin Nixon lui-même a déclaré : " Aujourd'hui, nous sommes tous keynésiens ! ".
L'analogie médicale est sans doute la meilleure ici : les prescriptions de Keynes sont celles d'un antidépresseur en période de turbulences et de dépression économiques ; mais il les a formulées dans un contexte aujourd'hui disparu ; aujourd'hui est venu le temps de l'accoutumance et de la globalisation.
La priorité posée par Keynes demeure d'une pertinence aigüe : celle du meilleur contrôle de la collectivité dans un monde individualiste qui semble devenu trop souvent le sous-produit d'un casino.

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